Entreprises régénératives : la révolution silencieuse qui remet le vivant au cœur de l’économie

Pendant des décennies, la performance économique a été mesurée à l’aune du chiffre d’affaires, des parts de marché et du retour sur investissement. Aujourd’hui, un autre modèle émerge : celui de l’entreprise régénérative, qui place la restauration du vivant et la justice sociale au cœur de sa raison d’être. Un véritable changement de paradigme, au-delà de la RSE.

De la durabilité à la régénération

Là où le développement durable cherchait à « limiter les dégâts » ou « compenser », l’économie régénérative vise à restaurer et enrichir les écosystèmes et les communautés. Elle ne réduit pas seulement les impacts négatifs : elle crée des impacts positifs et durables dans les sols, l’air, la biodiversité, et le tissu social.

Un mouvement qui prend forme en France

En France, plusieurs collectifs portent cette vision.

  • La Convention des Entreprises pour le Climat (CEC) rassemble depuis 2021 des dirigeants et dirigeantes d’entreprise qui réinventent leur modèle en intégrant les limites planétaires et en se fixant des trajectoires alignées avec le climat et la biodiversité. Plus de 400 entreprises y participent, avec des expérimentations concrètes : réorganisation de chaînes de valeur, relocalisation, ou encore transition vers des modèles circulaires.
  • Impact France, mouvement d’entrepreneurs engagé·es, pousse pour une économie qui conjugue impact social et écologique. Le collectif milite pour que les politiques publiques et les financements favorisent les entreprises qui mettent leur mission et leur utilité sociale au cœur de leur gouvernance.

En France, la CEC impulse le mouvement

En 2021, la Convention des Entreprises pour le Climat (CEC) a lancé un pari inédit : amener des dirigeant·e·s d’entreprises à refonder leur modèle en intégrant les limites planétaires. Quatre ans plus tard, le mouvement a pris une ampleur considérable. Plus de 600 feuilles de route régénératives ont déjà été élaborées, et près de 500 entreprises sont passées – ou passent encore – par ce parcours immersif.

Dès la première édition, 150 entreprises avaient co-construit leur trajectoire de transformation. Collectivement, elles pèsent plus de 250 000 collaborateur·rice·s et 50 milliards d’euros de chiffre d’affaires, signe que la bascule touche aussi des acteurs de poids.

Les résultats commencent à se mesurer. D’après une enquête menée en septembre 2024 auprès des alumni, 76 % ont initié un programme de décarbonation, 66 % agissent pour la biodiversité, 91 % sensibilisent leurs équipes, et 56 % expérimentent de nouvelles formes de coopération interne. Plus frappant encore : 40 % ont accepté des renoncements, en abandonnant purement et simplement des modèles économiques jugés non régénératifs.

La dynamique ne s’arrête pas une fois la feuille de route rédigée. Près de 70 % des entreprises conservent leur plan initial, 14 % l’ont même enrichi, et seules 5 % ont dû en abandonner certains volets. Quant à l’ambition, elle reste forte : près des deux tiers des dirigeant·e·s jugent possible une transformation systémique d’ici 2030 – même si un quart seulement se disent pleinement confiants.

Au-delà des chiffres, la CEC révèle un basculement culturel. Dans l’imaginaire économique français, la régénération n’est plus une utopie réservée aux pionniers : c’est désormais un chantier collectif, déjà engagé dans des centaines d’entreprises.

Des exemples concrets inspirants

Au-delà des collectifs, des entreprises incarnent déjà ce modèle et montrent la voie et traduisent déjà la régénération dans leur ADN et leurs pratiques quotidiennes.

Aux États-Unis, Patagonia a marqué un tournant historique en transférant l’intégralité de ses parts dans une fondation dédiée à la lutte contre le changement climatique et à la protection de la biodiversité. Une décision radicale, qui aligne définitivement la valeur créée par l’entreprise avec la préservation du vivant.

En France, Camif fait figure d’icône. L’entreprise de mobilier a tourné le dos au Black Friday, relocalisé sa production et misé sur la durabilité et la réparation, préférant un modèle d’affaires sobre à la surconsommation.

À Bordeaux, Belco, acteur du café et du cacao de spécialité, a opéré sa mutation il y a plus de dix ans. Relations directes avec les producteurs, traçabilité passée de 5 % à 95 % en une décennie, stratégie centrée sur la santé des sols, recours au transport à la voile pour réduire drastiquement les émissions… l’entreprise incarne une transformation systémique où innovation et intelligence collective vont de pair.

Enfin, la plateforme LITA.co ouvre la voie à une finance régénérative. Elle permet à des citoyen·ne·s d’investir directement dans des projets à fort impact social et écologique, redonnant ainsi du sens à l’épargne.

Ces exemples prouvent qu’au-delà des intentions, le modèle régénératif peut s’incarner dans des choix stratégiques forts, capables de transformer en profondeur des secteurs entiers.

Transformation culturelle & systémique

L’entreprise régénérative interroge bien plus que la production ou les process : elle touche à la gouvernance, aux indicateurs de valeur, et à la raison d’être de l’économie. Elle s’inscrit dans un mouvement de fond où la prospérité se mesure à notre capacité à régénérer les conditions de vie sur Terre.

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